OTTAWA, Canada – Le Groupe de Lima tiendra une « rencontre urgente » le 4 février à Ottawa pour discuter de la situation du Vénézuéla, a annoncé la ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland. Washington a pour sa part annoncé de nouvelles sanctions, aussitôt suivies de menaces de poursuites brandies par Nicolas Maduro, dont la présidence est contestée.
La réunion du Groupe de Lima « portera sur les mesures que nous pouvons prendre pour soutenir le président intérimaire Juan Guiado et le peuple vénézuélien », a précisé lundi la ministre Freeland avant d’entrer dans la Chambre des communes pour la période des questions.
La situation actuelle au Vénézuéla soulève de « lourds défis » en matière de sécurité, d’aide humanitaire et d’immigration dans tout l’hémisphère, a-t-elle ajouté. « La guerre en Syrie a montré comment les crises peuvent déstabiliser l’environnement géopolitique avec des flux migratoires importants », a illustré la chef de la diplomatie canadienne.
Elle a précisé que le Canada accueillerait le Brésil, la Colombie, l’Argentine, le Paraguay, le Pérou, le Chili, le Guatemala, le Costa Rica, le Honduras et le Panama à cette rencontre.
« Nous demandons à Nicolas Maduro de céder le pouvoir », a-t-elle martelé, dénonçant un « mandat illégitime ». « Il ne reste qu’une seule institution démocratiquement élue, et c’est l’Assemblée nationale », a-t-elle ajouté.
Le président Maduro a perdu toute la légitimité qu’il lui restait lorsqu’il a pris le pouvoir dans le cadre de l’élection frauduleuse et antidémocratique du 20 mai 2018.
Chrystia Freeland, ministre canadienne des Affaires étrangères
Mercredi dernier, le président de l’Assemblée nationale du Vénézuéla, Juan Guaido, s’est déclaré président par intérim du pays, devant des dizaines de milliers de ses partisans en liesse.
La ministre Freeland a soutenu que la situation vénézuélienne était l’une des priorités canadiennes en matière d’affaires étrangères depuis 2017, époque à laquelle la répression de manifestations anti-Maduro avait fait une centaine de morts.
C’est la deuxième fois que le Groupe de Lima tient une rencontre au Canada. Il a tenu neuf rencontres, dont une réunion ministérielle.
Créé en 2017 pour trouver une sortie de crise pacifique à la situation vénézuélienne, le Groupe de Lima rassemble des pays d’Amérique latine ainsi que le Canada.
Le Mexique, désormais dirigé par le président de gauche Andres Manuel Lopez Obrador depuis décembre 2018, avait fait bande à part au début de l’année en reconnaissant le deuxième mandat du président vénézuélien, qui a débuté le 10 janvier, alors que le Groupe de Lima accentuait la pression sur Nicolas Maduro.
Washington accentue la pression, Maduro annonce des poursuites
Le conseiller en matière de sécurité nationale de la Maison-Blanche, John Bolton, a annoncé lundi de nouvelles sanctions contre la compagnie pétrolière nationale vénézuélienne, PDVSA, gelant ses avoirs à l’étranger et lui interdisant de faire du commerce avec des entités américaines.
La firme sera privée de « plus de 11 milliards de dollars de recettes d’exportation dans l’année qui vient » et verra 7 milliards de dollars d’actifs gelés, a-t-il soutenu.
Il s’agit des mesures de rétorsion les plus vigoureuses à ce jour de la part des États-Unis.
PDVSA est accusée par le Trésor américain d’être « un véhicule de corruption ». Les raffineries de Citgo, filiale de PDVSA aux États-Unis, pourront continuer à fonctionner, les transactions financières passant par un compte bloqué, a de son côté précisé le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin.
Dans la foulée, le président Maduro a accusé Washington de chercher à reprendre illégalement le contrôle de Citgo et annoncé à la télévision d’État qu’il avait ordonné au président de PDVSA d’engager des poursuites judiciaires « pour défendre la propriété et la richesse » de sa filiale.
Le secteur pétrolier est la première source de revenus du Venezuela.
John Bolton a par ailleurs appelé l’armée vénézuélienne et les forces de sécurité à « accepter la transition pacifique, démocratique et constitutionnelle du pouvoir ».
« Toutes les options sont sur la table », a-t-il dit alors qu’il était interrogé sur la possibilité d’une intervention militaire et répétant ce qu’avait affirmé la semaine dernière Donald Trump.
Guaido appelle à de nouvelles manifestations
Juan Guaido a par ailleurs appelé les partisans de l’opposition à redescendre dans les rues mercredi. « Nous devons rester unis comme agents actifs du changement à chaque coin de rue », a-t-il dit.
Il a parallèlement annoncé qu’il prenait le contrôle des actifs du pays à l’étranger pour éviter que Nicolas Maduro ne les dilapide s’il quittait le pouvoir.
Quelques minutes avant l’annonce de Washington, il a déclaré que le Congrès mettrait de nouveaux dirigeants à la tête de PDVSA et de Citgo.
La communauté internationale divisée
Des représentants du Mexique et de l’Uruguay livreront lundi au secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, un « message de dialogue » pour tenter de résoudre la crise, a en outre annoncé le ministre vénézuélien des Affaires étrangères, Jorge Arreaza.
Samedi dernier, six pays européens – Espagne, France, Allemagne, Royaume-Uni, Portugal et Pays-Bas – ont donné à Nicolas Maduro huit jours pour convoquer des élections, faute de quoi ils reconnaîtront Juan Guaido comme président. L’ultimatum expirera dimanche.
Nicolas Maduro n’a pas tardé à rejeter l’ultimatum, ce qui ferme la porte à la tenue d’un nouveau scrutin.
L’Union européenne a brandi pour sa part une menace plus floue : elle « prendra des mesures » si des élections ne sont pas convoquées « dans les prochains jours », y compris concernant « la reconnaissance du leadership » dans le pays.
D’autres pays, comme la Russie et la Chine – les deux premiers créanciers du Venezuela –, continuent d’appuyer le président en exercice.
Un pays en crise
La crise politique dans ce pays pétrolier, ruiné après avoir été le plus riche d’Amérique latine, s’est intensifiée en une semaine, l’opposition accentuant sa pression en faveur d’élections libres.
Le risque de troubles civils est élevé alors que les manifestations contre le président Maduro se sont soldées par au moins 35 morts et 850 arrestations en une semaine.
L’Assemblée nationale vénézuélienne, dominée par l’opposition, a été dépouillée de tous ses pouvoirs par une Assemblée constituante dominée par des partisans du président Maduro, élu à l’été 2017 au terme d’un vote discrédité.
Le Vénézuéla est aujourd’hui un pays exsangue que ses citoyens fuient par centaines de milliers, en raison de la situation politique, mais aussi des conditions économiques désastreuses, marquées par des pénuries de produits de base. Cette spirale a été accélérée par l’effondrement des cours du pétrole, qui compte pour 95 % des revenus du pays.
Selon le Fonds monétaire international, le PIB du Vénézuéla a chuté de 18 % l’an dernier et l’inflation atteindra 10 000 000 % en 2019.
Source/Radio-Canada
Photo/Radio-Canada
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