Haiti

Haiti: Les avocats dans les rues pour réclamer justice pour Me Monferrier Dorval

PORT-AU-PRINCE – Les avocats haïtiens étaient dans les rues ce 3 septembre dans toutes les juridictions du pays pour réclamer justice pour Maitre Monferrier Dorval, le bâtonnier de l’Ordre des avocats de Port-au-Prince assassiné le 28 août dernier chez lui. De toutes les manifestations, les unes plus symboliques que les autres, celle de Port-au-Prince a attiré la foule.

Des centaines d’avocats du barreau de Port-au-Prince ont marché dans les rues de la capitale, jeudi 3 septembre, pour exiger justice pour le bâtonnier Monferrier Dorval, assassiné alors qu’il rentrait chez lui le 28 août dernier. La marche a débuté devant le cabinet de la victime à la rue Rivière. Vêtus de leur toge, les avocats, rejoints par des figures politiques et de la société, des militants de l’opposition et des étudiants, ont arpenté les avenues Martin Luther King, Lamartinière, du Travail, Charles Summer, la rue Capois, avant de terminer leur marche devant les locaux de la Cour de cassation.

Un message a été délivré devant la Cour de cassation par la bâtonnière a.i Marie Suzy Legros et le président de la Fédération des barreaux, Me Jacques Letang. Marie Suzy Legros, a insisté pour que justice pleine et entière soit rendue à Me Dorval. « Trop souvent, les enquêtes se poursuivent indéfiniment pour se diluer dans l’oubli et consacrer le règne de l’impunité dans ce pays. Trop souvent, les enquêtes qui prétendent aboutir ne se déroulent que sur la condamnation des exécutants sans jamais remonter à ceux qui ont conçu, planifié et mis en route les processus criminels », a-t-elle déclaré.

Plus loin, Me Legros exige toute la vérité sur ce qui s’est passé. « Le barreau ne saurait se satisfaire aujourd’hui d’une justice tronquée. La vérité doit éclater intégralement, car nul ne peut être au-dessus de la loi dans une société démocratique. Le barreau veut croire que dans ces circonstances exceptionnelles, où la place du droit dans la société est en péril, les institutions compétentes se montreront à la hauteur et parviendront en toute indépendance à établir la vérité afin que justice soit rendue au bâtonnier Monferrier Dorval, à la société tout entière », espère-t-elle.

Le président de la Fédération des barreaux, également bâtonnier du barreau des Coteaux, Jacques Letang, a été très ému en prenant la parole devant la Cour de cassation. La gorge nouée, Me Letang a dénoncé le fait que Me Dorval a été abattu comme un chien. « Nous sommes tous orphelins de notre bâtonnier. Il a été assassiné. Les avocats des 18 juridictions du pays sont mobilisés pour dire que c’en est assez. Ce système d’injustice ne peut pas continuer. Il y a trop de crimes, trop de sang. Il faut sonner la trompette de la justice. (…) Nous allons lutter contre la violence et l’impunité dans le pays », a-t-il promis.

La marche, qui se devait silencieuse, a été ponctuée de chants et slogans anti-Jovenel Moïse. Certains avocats et participants ont imputé à l’exécutif l’assassinat de Me Dorval. Questionné à cet effet, Me Evelt Fanfan croit que dans un sens comme dans l’autre le pouvoir en place a une responsabilité dans cet assassinat. « Le pouvoir a la responsabilité de faire la lumière sur cet assassinat odieux. Si le crime vient du pouvoir, il a sa responsabilité. Si le crime vient d’un autre groupe, le pouvoir a aussi sa responsabilité. De toutes les façons, le pouvoir est responsable. Ils doivent faire la lumière. Ils n’ont pas beaucoup de temps pour le faire », a-t-il exhorté.

L’assassinat de Me Dorval est un coup porté au savoir, à la science et aux jeunes

Selon Me Evelt Fanfan, l’assassinat de Me Monferrier Dorval est l’assassinat du savoir. « C’est la profession d’avocat qu’on a assassinée. C’est l’intelligence qu’on a assassinée. Nous sommes là pour dire que c’en est assez », a-t-il soutenu.

Pour avoir côtoyé Me Dorval dans son cabinet, Me Wilgui Beucia se dit très affecté par son départ. « Ceux qui l’ont tué ignorent ce qu’ils ont fait. Ils ignorent s’ils ont également touché des centaines de jeunes avocats », a-t-il soupiré. Me Beucia annonce que les avocats ne se reposeront pas tant que justice ne sera pas rendue. « Si ce crime est politique, c’est une erreur. Les avocats des 18 juridictions du pays, de tous les tribunaux resteront dans les rues. Nous ne quitterons pas le macadam avant d’obtenir justice. Quand on veut, la justice donne des résultats. Il faut que les autorités assument leurs responsabilités pour identifier tous les auteurs de cet assassinat », a-t-il tonné.

Dans le même ordre d’idées Rose-Berthe Augustin, conseillère au barreau de Port-au-Prince, a exhorté les autorités judiciaires à assumer leurs responsabilités, ce, dit-elle, afin que la mort de Me Dorval ne passe pas comme celle des autres avocats assassinés. « Me Dorval représentait une valeur dans la société. C’était un professeur d’université, un chercheur, un auteur, un avocat extrêmement talentueux. Comme avocat, son assassinat me fait penser que la vie ne vaut plus rien en Haïti. À un point tel que maintenant on s’attaque à des symboles. Le bâtonnier était le symbole de la justice et de l’État de droit », soutient-elle.

En marge de la marche des avocats, des heurts ont éclaté entre des militants, des étudiants et des agents de la PNH. Les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogène pour disperser un attroupement devant le palais national. Un cortège emmené par des étudiants a arpenté plusieurs rues de la capitale. Des barricades de pneus enflammés ont été remarquées et au moins un véhicule a été incendié.

Source/Le Nouvelliste
Photo/Le Nouvelliste
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