Haiti

Haïti: Témoignages accablants des déplacés de Martissant et de Fontamara

PORT-AU-PRINCE – Des hommes, des femmes et des enfants se sont déplacés à Carrefour, fuyant les affrontements violents entre gangs rivaux qui sévissent à Martissant et Fontamara, dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince depuis le 1er juin 2021. Des milliers de déplacés auraient trouvé refuge dans des familles d’accueil, ou même regagné d’autres villes dans d’autres départements. 302 ménages (1089 personnes) sont logés au Gymnasium du Centre Sportif de Carrefour. Parmi eux, 446 enfants et 582 femmes et filles qui vivent dans des conditions très précaires. 101 ménages ont vu leur maison incendiée et 80 autres ont eu leur maison endommagée. Voici leurs témoignages.

« Avec ce déplacement, nous avons perdu notre dignité »
Je m’appelle Marie M.,(nom d’emprunt) et j’ai 45 ans. Je vis a Martissant 23 depuis 6 ans. Je suis mère de quatre enfants. Je suis détaillante. Je fais du petit commerce dans les rues de Port-au-Prince pour gagner ma vie et prendre soin de ma famille. Dans ma zone qui est aussi contrôle par un gang, on n’avait jamais eu ce genre de situation. Pas de vol, pas de viol, pas de kidnapping, pas d’incendie. Ce sont les membres d’un autre gang qui sont venus semer la pagaille dans notre quartier pour conquérir plus de territoire.

Mardi dernier, on a vécu une situation infernale avec des tirs nourris dans la zone. Quand on a annoncé l’arrivée des gangs à Martissant 23, tous les riverains ont fui. Ne pouvant plus résister, j’ai dû fuir la zone pour aller me refugier avec ma famille à l’église de Mont Carmel. J’ai été transférée le dimanche 6 juin 2021 au Centre Sportif de Carrefour.

Nous n’avons pas eu le temps de prendre quelques objets avant de fuir. Un voisin qui était retourné dans la zone pour récupérer quelques effets personnels a été tué par les bandits qui l’ont qualifié d’informateur qui travaille pour un gang rival. Pour l’instant, je ne sais rien sur ma maison et ne sais même pas si je peux y retourner.

Je vis difficilement cette situation qui nous fait perdre une partie de notre dignité. Selon ce que j’ai entendu, les bandits armés ont dit que si les personnes qui se sont déplacées ne reviennent pas dans les trois prochains mois à Martissant, elles ne seront plus permises de revenir dans la zone. Je souhaite moi-même retourner chez moi reprendre mes activités dans la dignité. Cependant le moment n’est pas propice. Il faut que le gouvernement Haïtien fasse quelque chose pour rétablir une paix durable non seulement à Martissant mais dans tout le pays.

Avec cette crise d’insécurité qui n’a que trop duré, les dirigeants haïtiens ont montré leur faiblesse, leur impuissance et même leur inexistence face aux gangs armés. Jusqu’à présent le gouvernement n’a rien fait concrètement et n’a rien dit de sérieux après une semaine de troubles pendant laquelle des gens ont été blessés, tués et des milliers d’autres ont dû fuir leur zone de résidence.

« Je serais contente de retourner à la maison et reprendre le chemin de l’école »
Je m’appelle Sherlie (nom d’emprunt) et j’ai 10 ans. J’habite à Martissant 19. Je suis la benjamine d’une famille de cinq personnes : ma mère, mon père, mes trois frères et ma sœur. Je suis en 4e année fondamentale.

Jeudi dernier, le 3 juin, j’étais obligée de fuir de notre maison à cause l’insécurité qui sévit dans mon quartier. Depuis le 1er juin, nous entendions des tirs, des maisons avaient été incendiées, des personnes blessées et d’autres personnes violées. Le 3 juin, des bandits armés avaient commencé à incendier certaines maisons du quartier. Pris de panique, mon père avait fui avec mes trois frères dans une direction tandis que ma mère et moi avions pris une autre direction. Pour l’instant, je n’ai aucune nouvelle de mon père et de mes trois frères mais j’espère qu’ils sont tous en vie.

Dans un premier temps, ma mère et moi nous étions refugiées à l’église de Saint Charles et par la suite, nous avons rejoint le Centre sportif de Carrefour. C’était le 7 juin 2021. C’est ici que d’autres personnes nous ont appris que notre maison avait été incendiée. Depuis que nous sommes arrivées ici ma mère et moi, je n’ai pas de nouvelles de mon père et de mes frères. Nous n’avons pas tout ce qu’il nous faut ici. Nous n’avons pas assez d’eau, pas assez de nourriture, pas de matelas pour nous coucher et il y’a des problèmes de toilettes. Mais malgré tout, je vais bien.

Mon plus grand souci maintenant, c’est le fait de plus pouvoir aller à l’école. J’ai même appris que mon école a été endommagée ou incendiée mais je ne suis pas sure. En tout cas, ce serait dommage! Quand la paix sera rétablie, je serais contente de retourner à la maison et de reprendre le chemin de l’école. Mais nous n’avons pas de maison malheureusement.

Un petit bébé de trois mois souffre les affres du déplacement
Mike, (nom d’emprunt) est un petit garçon de trois mois. Depuis sa naissance, il a vécu dans la localité de Martissant avec sa mère, sa grand-mère et son grand frère âgé de 7 ans. Dès le 15e jour de sa vie, sa mère lui donnait à manger des céréales avec du lait artificiel. D’après la maman, son lait était tari et qu’elle n’avait pas pu continuer l’allaitement maternel.

La famille de Mike s’est réfugiée au centre sportif de Carrefour le vendredi 4 juin, après l’éclatement de conflits entre gangs armés rivaux à Martissant cette même semaine. Leur maison a été incendiée, ils ont perdu tous leurs vêtements et objets personnels. Depuis, Pierre a des difficultés pour s’alimenter sa maman n’a pas d’argent pour lui acheter du lait. Le petit bébé peut passer toute une demi-journée sans manger car il ne peut pas consommer les repas qui sont distribués sur le site de déplacés. Il risque de tomber en malnutrition si rien n’est fait. Le grand frère de Pierre qui est en 2e année fondamentale était obligée d’arrêter d’aller à l’école. Le chemin qui mène à son école est occupé par les groupes de gangs, et ses uniformes d’écolier sont partis en fumée.

Cette famille n’a aucun endroit où aller. La mère qui est originaire de Jeremie, n’a maintenu de lien avec sa famille d’origine qui lui permet d’y retourner.

Source/UNICEF Haïti
Photo/UNICEF Haïti
www.anmwe.com

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