ALBERTA, Canada – Un demandeur d’asile haïtien, qui doit être expulsé le 2 janvier, implore le gouvernement canadien de réexaminer son dossier. Renold Francisque, 54 ans, souffre de tuberculose et affirme faire l’objet de menaces de mort en Haïti en raison de ses affiliations politiques.
Renold Francisque est arrivé illégalement au Canada en février 2008, après avoir séjourné près de 10 ans aux États-Unis. À l’époque, il était entré en passant par le même chemin qu’empruntent aujourd’hui des centaines d’Haïtiens à la frontière de Saint-Bernard-de-Lacolle, au Québec.
M. Francisque avait entamé des démarches pour devenir citoyen américain, mais elles ont achoppé. Lorsque son visa de travail est venu à échéance, il est resté en sol américain quelque temps avant de prendre la route du Canada.
Au cours des neuf dernières années, il a tenté par trois fois d’obtenir la permission de rester au Canada. Ses requêtes ont toutes été rejetées et le gouvernement veut aller de l’avant avec la procédure d’expulsion. Entre-temps, l’homme est passer du Québec à l’Alberta où il a pu trouvé un peu de travail comme charpentier puis comme travailleur ménager.
M. Francisque soutient qu’il risque la mort s’il retourne dans son pays. « Si je laisse ici [le Canada] pour aller en Haïti, il y a quelqu’un qui va venir me tuer. Avant quand j’étais en Haïti, j’ai eu des menaces, j’ai essayé de laisser Haïti », explique-t-il.
Si je vais là-bas, il se passe quoi ? Ils viennent à mes trousses. Renold Francisque, un demandeur d’asile haïtien basé en Alberta
Des versions qui diffèrent
M. Francisque affirme avoir été violenté par des membres de Fanmi Lavalas, le parti politique de l’ancien président d’Haïti, Jean-Bertrand Aristide, qui souhaitaient l’enrôler.
La Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada avance plutôt que Renold Francisque était membre des Volontaires de la sécurité nationale, communément appelés Tontons macoutes, une milice paramilitaire particulièrement violente associée au régime dictatorial des Duvaliers.
En vertu des lois sur nationale sur l’immigration, Ottawa se donne le droit de refuser les demandes d’asile et les demandes de résidence permanente pour considérations d’ordre humanitaire s’il est démontré que le demandeur est affilié à des organisations criminelles.
Renold Francisque dément ces allégations. « Je n’ai jamais été inclus dans aucun crime dans mon pays, aux États-Unis et ici au Canada. Je n’ai jamais, jamais de ma vie été inclus dans aucun crime », martèle-t-il.
Son avocat, Me Said David, soutient que son client est victime d’un malentendu en raison d’une mauvaise traduction de l’interprète lors des audiences d’immigration.
« Nous avons de fortes raisons de penser que le gouvernement a mal compris durant la première audience de réfugié, a très mal compris ce que M. Francisque était en train de dire », soutient-il.
M. Francisque refuse, rejette l’idée qu’il soit impliqué dans des groupes criminels en Haïti. Nous pensons aussi qu’il a de bonnes raisons de dire la vérité et nous souhaitons que le gouvernement canadien […] puisse revoir ce dossier de fond en comble.L’avocst de M. Francisque, Said David
L’avocat indique que M. Francisque a en sa possession un certificat remis par la police haïtienne qui confirme qu’il n’a aucun casier judiciaire.
Ce que les procès-verbaux disent
En audience devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada le 15 juillet 2010, Renold Francisque a admis qu’il avait déjà fait partie des Tontons macoutes. M. Francisque a ajouté que le cousin de son père était « responsable macoute » pour le département du Sud, dont il est originaire. Le demandeur affirme toutefois que son propre rôle au sein de la milice était limité à des tâches administratives comme « prendre des notes quand quelqu’un se présentait [au bureau]. »
Questionné sur ces déclarations lors des audiences subséquentes, M. Francisque a indiqué que « quelque chose s’était passé dans sa tête [le 15 juillet] », qu’il ne « comprenait pas les questions posées » et qu’il ne « savait rien de ce qu’il disait . » Il a par la suite continué à nier toute implication auprès des Tontons macoutes.
Des motifs humanitaires
Conscient que la date de son renvoi approche, Renold Francisque garde espoir d’obtenir un sursis de la part des autorités fédérales en raison de sa maladie.
Un médecin qui a requis l’anonymat confirme que M. Francisque est atteint de tuberculose et qu’il aurait peut-être développé une résistance aux antibiotiques en raison d’une condition sous-jacente.
Sa condition est telle, que le professionnel de la santé considère qu’il n’est pas apte à voyager pour le moment. Renold Francisque affiche notamment une excroissance au niveau du cou qui s’apparente à une tumeur.
M. Francisque redoute de ne pas pouvoir recevoir des soins adéquats en Haïti. Une situation que dénonce son avocat.« Nous ne pouvons pas envoyer quelqu’un à l’extérieur du pays quand il est malade, insiste Me David. C’est lié à un droit humain fondamental. »
Tant qu’il n’est pas encore guéri, nous souhaitons qu’ils reportent le renvoi. C’est ce que nous souhaitons du gouvernement canadien. Ça c’est la première priorité. La seconde priorité […] c’est que le gouvernement revoit le dossier. Complètement, depuis le début.L’avocat de M. Francisque, Said David
Renold Francisque ajoute de son côté qu’il n’y a plus rien en Haïti pour lui, puisque la maison familiale a été détruite lors du tremblement de terre de 2010. Ses enfants ont également quitté le pays et sont venus garnir les rangs de la diaspora haïtienne éparpillée dans les Amériques.
« Je vais là-bas pour mourir. Je ne peux pas rester. Je dois y aller, mais ma vie est finie », conclut-il.
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Source/Radio-Canada
Photo/Archives
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