CAP-HAITIEN – Depuis son adolescence, il nous amuse par sa voix captivante et sa musique chatoyante. Malgré son activité de gagne-pain, il consacre toujours une fraction considérable de son temps meublé pour se livrer à la musique, ce pour la délectation de tous. Aujourd’hui, je vous invite à découvrir le «Prince» dans toutes ses dimensions.
Né à la Grande Rivière du Nord un 3 novembre 1968, Eliott Alouidor dit « Prince Ello » s’intéressait à la musique dès un tendre âge. Il eut pour mentor son frère Aspenaz Alouidor, son ainé de 15 ans. Á l’Église Adventiste de sa ville natale, il chantait régulièrement dans les activités réservées aux enfants. En plus de cela, l’ambiance musicale régnant dans les églises catholique et baptiste des quartiers avoisinants avait une influence inestimable sur l’artiste.
Cap-Haïtien : Activités Artistiques au Collège Notre Dame
Après avoir bouclé le cycle primaire en 1980, «Ello» quitta sa localité d’origine pour le Cap-Haitien en vue de poursuivre ses études secondaires au Collège Notre Dame du Perpétuel Secours (CNDPS) de la 6ème à la philo. Et, ce fut à cet établissement scolaire que j’allais lier connaissance avec le « Prince » rivenordais. Inutile de vous dire qu’on y était condisciples de classe pendant une longue période. Malgré sa foi adventiste, l’homme fut batteur de l’ensemble musical qui animait les messes catholiques dominicales du CNDPS sous la direction du jeune prêtre sympathique Jean-Paul Edmond que les collègues de notre promotion appelaient affectueusement «Pablo». L’autre batteur de ce groupe n’était autre que Richard Jean-Hérard connu sous le sobriquet «Richie» qui avait une classe en moins que nous. C’est ce même « Richie » qui est actuellement le batteur et maestro du groupe « Klass», soit dit en passant.
En 4ème secondaire « Prince Ello » rejoignit le Power X, la bande musicale du Collège composée notamment des frères Mompoint (Ti Gaby et Lesly), Raphaël Robillard, (Ti Fayo), Ronald Elie (Beksyon) et Nixon Mésidor (l’actuel bassiste de « Klass »).
Cependant, ce fut en classe de 3ème secondaire (1983-1984) que le « Prince » alla vraiment se tailler une place d’or dans les cœurs des Collégiens. En effet, au cours d’une séance académique (tenue à chaque trimestre), le bonhomme interpréta la chanson « Mourir Auprès de Mon Amour » de Demis Roussos qui a provoqué une atmosphère délirante à l’auditorium. Tout le monde se tenait debout pour l’ovationner. Pétris d’un juste orgueil, les gars de notre promotion criaient « Bis! Deux Fois ! Deux Fois ». Ce qui fut fait!
J’en profite pour partager cette anecdote. Le CNDPS n’accueille la gente féminine qu’en philo. Dans le temps (je parle des années 80), les Capoises ne sortaient pas avec les gars en classes inférieures peu importe leur statut social ou leur prestance masculine. Ce fut une loi non écrite qu’elles observaient scrupuleusement. Raison ? Les Capoises d’alors criaient toujours qu’elles n’aiment que des « nèg fò». Cependant, au cours de la deuxième exécution de la chanson susmentionnée, une élève de philo, assise à côté de moi, me fit cette question en pointant «Ello» du doigt: «Tu le connais? D’où vient-il ?» A moi de répondre : « Il vient directement de ton cœur.» « Comment ça ?», rétorqua la demoiselle. Et moi de poursuivre : « Tu es tantôt agitée, tantôt figée. ‘Ou pran feeling’ ? Ou damou ?». Après avoir feint de minimiser mon observation par un clic dental hypocrite pour dissimuler son for intérieur, elle me demanda : « Il est en quelle classe ?». « En 3ème », ai-je répondu. « 3ème ! », s’était-elle exclamée. « Jamais de la vie ! Au moins, s’il était en rhéto… ». Histoire de vous dire que la gazelle était emportée par le charme du jeune chanteur comme l’est un brin d’arbre flottant à la surface d’une rivière insolente. Elle était visiblement envoûtée comme une adepte chevauchée par une « lwa ». Alors qu’Ello performait à nouveau, je l’ai observée presqu’immobile ; elle avait la bouche bée, à moitié ouverte…on eut dit une moitié de lune qui se montre timidement derrière un morne à la tombée d’une nuit…
Le Professionnel de la Musique
Après la philo en 1987, notre barde se rendit à Port-au-Prince et fréquentait les facultés de droit et d’ethnologie. Á cause du climat chaotique port-au-princien dû à l’instabilité politique, Ello retourna au Cap sans terminer ses études universitaires. En 1991, il intégra le groupe musical Lakòl qui comptait dans ses rangs des valeurs comme Jn Max Valcourt et Pierre Pelota (le guitariste solo de l’Orchestre Tropicana d’Haïti).
En 1994, Lakòl effectua une virée aux USA. Au terme de la tournée, quatre des musiciens retournèrent au bercail, tandis que quatre autres ont opté pour rester chez l’Oncle Sam. Les déserteurs furent Shedly Abraham, Nixon Mésidor, Arly Larivière (fondateur et maestro de Nu Look) et notre Elliot Alouidor.
Á Miami étant, ce dernier intégrait le groupe « Zenglen » en 1995; mais, ce ménage n’a duré que l’espace d’un cillement. De concert avec Nixon Mésidor, l’homme en question a fondé « Zèl », d’une très courte durée.
Vers 2012, l’institution financière AIG pour laquelle travaillait l’artiste connaissait des descentes aux enfers causées par la chute de la bourse étatsunienne. Désenchanté, il laissa la Floride pour s’établir à New York où il habite depuis lors.
Ayant marre de la cohabitation difficile avec ses frères du monde musical, Ello résolut d’agir seul. C’est ainsi qu’il fit sortir quatre albums en solo dont le premier avec la collaboration de Nickenson Prud’homme et les trois autres sous le label « New York Connection ». Le dernier en date « Feel Me » a connu un succès inouï. On y retrouve onze morceaux dansants et bien rythmés. La poésie coule dans un style limpide à la fois direct et bourré de charme.
La Société et l’Amour Vus Par le Poète-Chanteur
Les thèmes traités sont de nature à dénoncer les malversations politico-économiques comme « Lavironndede », « Nou Dwòl » et à corriger les tares sociales à travers « Facebook », « Pa Fè Tròp ». Cependant, vous conviendrez avec moi, chers lecteurs, que l’amour demeure la note dominante des œuvres de l’artiste. Un topic qu’il utilise pour épater, ironiser, idéaliser la femme et dénoncer la violence conjugale. Des chansons telles que « Dezole », « Si je pouvais », « Kite M Plenyen», « Frero», « Mwen Pare » et « Feel Me » sont des rameaux d’olivier tendus à la cohorte féminine qui en fait des délices pour se procurer de la joie quand elle a le cœur lourd.
Contrairement aux clichés voulant que le musicien soit académiquement nul, notre « Prince » a bel et bien repoussé cette conception taboue. Il est détenteur de deux diplômes universitaires dont une licence en « Business Administration » décrochée de Florida Atlantic University (FAU) et d’un MBA (Masters in Business Administration) de Nova Southeastern University (NSU).
Conclusion
Souhaitons un succès continu à ce valeureux chanteur doublé d’administrateur. Le public et tous les alumni de notre promotion spécialement ont hâte de se divertir des autres CDs que le Prince aura l’amabilité de soumettre à notre goût.
Après Hérold Christophe, les Rivenordais peuvent se vanter que leur terre vient d’offrir à Haïti et au reste du monde un chanteur-poète qui possède la magie des mots pour toucher les fibres, et la maestria de combiner des sons ayant pour effet d’intimer l’ordre à l’être mâle d’inviter solennellement sa conjointe à l’accompagner dans l’une des danses les plus romantiques.
Réginal Souffrant
Photo/Prince Ello
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