PORT-AU-PRINCE – Les assassinats et les enlèvements crapuleux ont meurtri la vie des Haïtiens tout au long de l’année 2020, l’une des plus meurtrières. L’assassinat spectaculaire du bâtonnier de Port-au-Prince, Monferrier Dorval, le 28 aout et celui de l’étudiant Grégory Saint-Hilaire, le 2 octobre, à quelques encablures de la résidence privée et du bureau du président Jovenel Moïse à Pèlerin et au Champ-de-Mars respectivement, témoignent du climat d’insécurité qui a prévalu dans le pays durant l’année 2020 au cours de laquelle la Commission Épiscopale Justice et Paix (CE-JILAP) affirme avoir recensé 938 morts violentes dans huit départements du pays, jusqu’au 30 novembre.
Les cas de morts violentes se sont multipliés tout au long de l’année 2020. Pour les 11 premiers mois de l’année, la Commission Episcopale Justice et Paix (CE-JILAP) a recensé 938 mots violentes dans 8 départements dont 570 pour les 7 communes de la zone métropolitaine de Port-au-Prince que sont Kenscoff, Pétion-Ville, Delmas, Tabarre, Cité Soleil, Port-au-Prince et Carrefour. Le bilan de l’année sera communiqué le 1er janvier par cette organisation de l’Église catholique de défense de droits humains qui comptabilise, chaque année, les cas de morts violentes enregistrés dans le pays.
Pour les cas d’enlèvements contre rançon, ils se sont multipliés dans le pays avec une concentration des cas dans la capitale Port-au-Prince. Présentant un bilan, l’organisation « Défenseurs Plus » parle de plus d’un millier d’enlèvements sur les 3 derniers mois et de 1270 sur l’ensemble de l’année 2020.
Au fait, la machine infernale de l’insécurité a broyé partout et fait des victimes dans toutes les couches de la société: étudiants, professionnels, homme d’affaires, médecin et policiers, toutes les catégories professionnelles ont compté des victimes dans leurs rangs au cours d’une année qui a vu les gangs armés se regrouper en association et des citoyens se présentant comme des policiers (Fantôme 509) semer le chaos au point d’être taxés de terroristes à la fois par le chef du gouvernement, Joseph Jouthe, et le directeur général (qui n’est plus en fonction) de la police nationale Rameau Normil.
Il n’y a pas eu un seul endroit où l’on pouvait se sentir en sécurité.
En 2020, on meurt partout et à tout âge
Le 28 aout, alors qu’il s’apprêtait à rentrer chez lui après une journée de travail qui avait notamment débuté par son intervention au journal de la radio Magic 9 au cours de laquelle il avait indiqué que le pays n’était « ni gouverné ni dirigé ». Le bâtonnier de Port-au-Prince, Me Monferrier Dorval, a été abattu de plusieurs balles dans le quartier de Pèlerin (Pétion-Ville) à quelques mètres de la résidence officielle de la famille présidentielle.
Environ un mois plus tard, soit le 2 octobre, l’étudiant Grégory Saint-Hilaire, est tué par balle dans l’enceinte même de l’École Normale Supérieure (ENS), une Faculté de l’Université d’État d’Haïti (UEH) et qui se situe à quelques mètres du bureau du chef de l’État, le palais National, au Champ-de-Mars.
Ce grand parc public du Centre-Ville de la capitale haïtienne, aurait dû d’ailleurs être considéré comme l’un des endroits les plus sécurisés du pays puisqu’on y trouve, outre le palais présidentiel et le quartier général des Forces Armées (remobilisées) d’Haïti, trois bâtiments policiers à savoir la DDO (Direction Départementale de l’Ouest de la PNH), le commissariat de Port-au-Prince et la base de l’Unité Départementale de Maintien de l’Ordre (UDMO).
Mais tel n’était pas le cas durant cette année. En effet, le 17 février dernier, plusieurs stands érigés dans la perspective du carnaval, finalement annulé, ont été incendiés par des individus armés. Les sapeurs-pompiers dont la caserne se trouve dans les parages, ne sont pas intervenus pour circonscrire le sinistre.
Quelques jours plus tard, soit le 23 février et toujours au Champ-de-Mars, des affrontements entre des policiers réclamant de meilleures conditions de travail et des militaires ont fait au moins deux morts dont un policier. L’armée affirme avoir également recensé un mort et un blessé.
Le 18 novembre, lors d’une manifestation de l’opposition au Champ-de-Mars, un citoyen a été mortellement atteint d’une balle dans la tête.
Le monde culturel n’a pas été épargné par l’insécurité. La mort des deux jeunes danseurs Nancy Dorléan, 25 ans, et son ami Sébastien Petit, 20, avait bouleversé la communauté. Ils revenaient d’une séance de répétition pour préparer un spectacle virtuel de l’artiste Misty Jean. Ils ont été retrouvés 5 jours après leur enlèvement, le 21 juin. Leurs corps calcinés, ont été identifiés par leurs proches.
Quant à Pierre-Edouard Rozier, alias Maïkadou, les circonstances de sa mort n’ont pas été élucidées. Il avait été retrouvé sans vie dans son appartement, à Pétion-Ville, le 9 octobre, victime d’une mort violente. Il avait été retrouvé face contre terre, le visage maculé de sang, un orifice dans le front et un sextoy se trouvait près du cadavre.
L’homme d’affaires Michel Saieh, a quant à lui été assassiné le jeudi 27 aout, en plein jour et à l’intérieur de sa voiture, par des bandits armés circulant à moto à l’avenue John Brown, à quelques mètres du champ-de-Mars et non lui d’un point fixe de la police nationale.
Quant au quartier de Bel-Air, qui jouxte le Champ-de-Mars, il est redevenu en 2020, une zone de non droit où massacres et incendies de maison ont poussé les riverains à fuir leurs maisons. Une sexagénaire et un écolier y ont été poignardés à mort et leurs cadavres brulés en plein jour, le mardi 15 décembre dernier.
Evelyne Sincère, 22 ans, victime d’enlèvement et de séquestration, est tuée et son cadavre jeté. Elle a été retrouvée presque nue sur une décharge sur des tas d’immondices, le dimanche 1er novembre à Nazon. Cet acte perpétré par son petit ami et des jeunes d’une vingtaine d’années a révulsé la société et poussé dans les rues des centaines de lycéens qui ont manifesté pour exiger la fin des rapts et de l’impunité. Pourtant quelques semaines plus tard, Juventa Cantave, 23 ans, a été retrouvée morte dans une entreprise à Tabarre où elle venait tout juste d’être embauchée.
Des bébés et des femmes enceintes tués par balles
La mort violente n’a pas épargné femmes enceintes et enfants en bas âge dans l’Haïti de 2020. Le lundi 3 août, à l’aube, Godson Joseph, 4 mois, que des proches emmenaient à l’hôpital, a été tué sur la route lors d’une attaque perpétrée par le groupe dit des « 400 mawozo ».
Quelques mois plus tôt, c’est la petite Marrydjuna Fleurimond, 8 mois, qui a été abattue dans un quartier de Cité Soleil (Norway). Sa mère, Lenèse Léo pointe du doigt, des hommes armés du gang dirigé par le nommé Iscar.
Toujours dans le quartier de Cité Soleil, le plus grand bidonville du pays, les affrontements entre gangs rivaux ont fait des victimes collatérales à l’instar de Gyrlande Polis, enceinte de 8 mois, a été tuée par balles à Soleil 19, le samedi 25 juillet dernier. Evidemment, son enfant est mort avant sa naissance.
Des couples victimes à l’intérieur de leurs maisons
C’est notamment le cas du pasteur Jean-Philippe Quétant et de son épouse Herma Plancher, tués chez eux dans la nuit du samedi 26 au dimanche 27 septembre à ONA-Ville, dans la commune de Croix-des-Bouquets; de la poétesse Farah-Martine Lhérisson et de son compagnon l’ingénieur Lamothe Lavoisier en leur résidence à Péguy-Ville (Commune de Pétion-Ville) dans la nuit du dimanche 14 au lundi 15 juin et du cadre de la banque centrale Norvela Belamy et de sa femme Daphnée Fils-Aimé exécutés chez eux à Fragneau-Ville, Delmas 75, dans la soirée du samedi 27 juin.
C’est aussi durant cette année 2020, dans la nuit du 15 au 16 mars, que le musicien Jean Hervé Paul, l’un des trois enfants de feu Franck Paul (ex-maire de Port-au-Prince) a été abattu chez lui à Canapé-Vert. Obelson Pierre, un jeune entrepreneur et enseignant a lui aussi été tué chez lui à Thiotte, dans le Sud-Est d’Haïti, dans la nuit du 24 au 25 août.
La liste des personnes abattues est très longue et on ne saurait oublier le jeune Jimmy Telson, 17 ans, qui a été tué dans la voiture de ses parents alors qu’il revenait de l’école, le mardi 17 novembre dernier, à Delmas 75.
Que de vies fauchées et de sang versé durant une année marquée par des troubles politiques qui visiblement ne sont pas proches d’un dénouement.
Source/Haïti Press Network (HPN)
Photo/Archives
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