PORT-AU-PRINCE – Le président haïtien Jovenel Moïse a promis lundi de ne pas « baisser les bras » face au « fléau » des enlèvements en Haïti, au lendemain de l’enlèvement de dix personnes, dont sept religieux — cinq Haïtiens et deux Français — près de Port-au-Prince, capitale de ce pays des Caraïbes gangréné par l’insécurité.
« Je suis conscient que l’État doit faire plus d’efforts dans la bataille contre cette catastrophe » que constituent les enlèvements, a reconnu M. Moïse, jurant qu’il fera « tout ce que (lui) permet la loi pour trouver de bonnes solutions pour résoudre ces problèmes ».
Le groupe des personnes enlevées comprend quatre prêtres et une religieuse haïtiens, ainsi que deux Français originaires de l’ouest de la France : une religieuse du département de la Mayenne, et un prêtre de l’Ille-et-Vilaine qui vit en Haïti depuis plus de trente ans.
Trois personnes, membres de la famille d’un prêtre haïtien n’ayant pas été kidnappé, ont également été enlevées. Les Haïtiens sont majoritairement de confession catholique et leur pays est le plus pauvre du continent américain.
L’archevêché de Port-au-Prince avait, lui, dénoncé plus tôt lundi l’inaction des autorités. « Depuis quelque temps, nous constatons la descente aux enfers de la société haïtienne », a affirmé Mgr Max Leroy Mésidor dans un communiqué.
« Les autorités publiques qui ne font rien pour résoudre cette crise ne sont pas à l’abri de tout soupçon. Nous dénonçons les complaisances et les complicités d’où qu’elles viennent », a-t-il poursuivi.
Le parquet de Paris, compétent pour des crimes commis à l’étranger contre des citoyens français, a ouvert lundi une enquête pour « enlèvement et séquestration en bande organisée », qu’il a confiée à l’Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO).
Rançon exigée
La police haïtienne soupçonne un gang armé — baptisé « 400 Mawozo » — actif dans le secteur où ces enlèvements se sont produits, d’en être à l’origine, d’après une source policière.
Les ravisseurs réclament une rançon d’un million de dollars, a de son côté déclaré le père Loudger Mazile, selon lequel les religieux ont été kidnappés dans la matinée à la Croix-des-Bouquets, près de Port-au-Prince, au moment où ils se rendaient à « l’installation d’un nouveau curé ».
À Paris, le ministère des Affaires étrangères a dit être « pleinement mobilisé, en relation étroite avec les autorités locales », tout en souhaitant observer « la plus grande discrétion ».
Les cinq prêtres appartiennent à la Société des prêtres de Saint-Jacques, établie à Guiclan (Finistère, ouest de la France), a confirmé lundi à l’AFP le supérieur général, Paul Dossous.
« On essaye de prier en étant aussi actifs. Nous sommes en train de négocier. Le contact est fait, ça c’est important », a-t-il souligné. La société missionnaire compte une quinzaine de prêtres en Haïti dont les cinq enlevés, sur un total de 80 prêtres et une vingtaine de séminaristes présents aussi en France, au Brésil et au Canada.
De son côté, la Conférence haïtienne des religieux a exprimé son « profond chagrin, mais aussi sa colère ».
« Il ne se passe pas un jour sans pleurs et grincements de dents et pourtant les soi-disant leaders de ce pays, tout en s’accrochant au pouvoir, sont de plus en plus impuissants », a-t-elle déclaré.
La Conférence des évêques de France et la Conférence des religieux et religieuses de France ont appelé les ravisseurs à « libérer les hommes et les femmes de paix qu’ils ont enlevés et ne pas ajouter encore de la haine là où se trouvent déjà la pauvreté et l’insécurité ».
Profonde crise
Les enlèvements contre rançon ont connu une recrudescence ces derniers mois en Haïti et touchent toutes les couches de la population, témoignant de l’emprise grandissante des gangs armés sur le territoire.
Les États-Unis ont d’ailleurs de nouveau formellement déconseillé lundi à leurs ressortissants de se rendre en Haïti, y soulignant « les enlèvements fréquents ».
À cela s’ajoute la profonde crise politique dans laquelle est plongée la nation.
Le président Jovenel Moïse estime que son mandat prendra fin le 7 février 2022, alors que pour l’opposition et une partie de la société civile celui-ci s’est achevé le 7 février 2021. Ce désaccord tient au fait que M. Moïse avait été élu à l’issue d’un scrutin annulé pour fraudes, puis réélu un an plus tard.
Privé de Parlement, Haïti s’est encore davantage enfoncé dans la crise en 2020 et le président gouverne par décrets, alimentant une défiance croissante à son encontre.
Dans ce contexte instable, M. Moïse a décidé d’organiser en juin un référendum constitutionnel, dénoncé comme une mascarade par l’opposition.
Source/La Presse
Photo/Archives
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