Haiti

Monde: Haïti risque de devenir un problème régional, selon la cheffe du BINUH

PORT-AU-PRINCE – La propagation de la Covid-19, la récession de l’économie, le chômage, l’inflation, la chute de la gourde par rapport au dollar américain, les affrontements entre les gangs armés, l’intention du pouvoir de relancer le processus électoral…Un cocktail explosif qui pourrait aggraver la situation en Haïti, selon la cheffe du Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH) dans sa déclaration le vendredi 19 juin, devant les membres du Conseil de sécurité de l’ONU. Selon Helen La Lime, Haïti risque de devenir un problème régional si rien n’est fait.

« En l’absence de ressources suffisantes pour soutenir la sortie d’Haïti de la récession dans laquelle il est plongé, les gains durement acquis en matière de sécurité et de développement au cours des quinze dernières années risquent d’être réduits à néant, et un problème initialement interne pourrait devenir un problème régional, si la situation humanitaire déjà alarmante continue de s’aggraver, et si un nombre croissant d’Haïtiennes et d’Haïtiens sont tentés de chercher meilleure fortune à l’étranger », a déclaré Helen La Lime devant le Conseil de sécurité de l’ONU.

La représentante du secrétaire général de l’ONU en Haïti a fait remarquer qu’« en raison des multiples crises interconnectées qui ont touché le pays ces dernières années, l’économie haïtienne s’est contractée de 1,2 % en 2019 et devrait encore se contracter de 4 % cette année ». La cheffe du BINUH a souligné que les usines fonctionnent à capacité réduite en raison de la nécessité de mettre en œuvre des mesures pour ralentir la propagation du coronavirus. « Le spectre d’une nouvelle augmentation du chômage se profile à l’horizon, la gourde continue de se dévaluer par rapport au dollar des États-Unis et l’inflation est constamment supérieure à 20 % », a-t-elle ajouté.

Selon la responsable du BINUH, Haïti a bénéficié ces derniers temps d’un climat politique relativement apaisé qui s’explique par l’épuisement causé par 18 mois de mobilisation populaire contre le Président Moïse, et le début de la pandémie de Covid-19. « Pourtant, les premiers signes de l’intention de l’exécutif de commencer à préparer des élections législatives et locales attendues depuis longtemps ont réveillé les passions et ravivé l’acrimonie dans le discours public et le débat politique », a fait remarquer Helen La Lime.

L’insécurité, les affrontements des gangs armés et les prochaines élections…

« Les dernières semaines ont vu une augmentation marquée de la fréquence et de l’intensité des affrontements entre bandes armées rivales qui luttent pour contrôler de plus grandes portions de territoire dans les quartiers les plus peuplés de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, sans doute afin d’exercer une influence sur le résultat des élections dans ces circonscriptions », a fait savoir au Conseil de sécurité de l’ONU Helen La Lime.

Madame La Lime a mis en lumière aussi le fait que des membres de l’opposition contestent la durée du mandat du président Moïse et « réclament la mise en place d’une administration de transition, qui lancerait ostensiblement des réformes et organiserait les prochains scrutins. Le cercle vicieux de la méfiance, de la récrimination et, finalement, de la violence se met à nouveau à définir la vie politique haïtienne, à un moment où la société tout entière devrait s’unir dans sa riposte à la pandémie et s’efforcer de poser des bases plus vertueuses et durables sur lesquelles construire son avenir ».

Selon Madame La Lime, « il devient de plus en plus évident qu’une réforme de la Constitution est nécessaire pour sortir de ce paradoxe et instaurer les conditions de la stabilité institutionnelle, de la bonne gouvernance et de l’État de droit, trois caractéristiques indispensables pour que le pays puisse prospérer. Seul un processus national qui combine un solide leadership et de véritables efforts par l’ensemble des acteurs pour mettre de côté les intérêts politiques à court terme permettra de parvenir à une telle réforme ».

La gestion de la Covid-19

Ce 19 juin 2020 ramène à exactement trois mois depuis les deux premiers cas de coronavirus en Haïti. Selon Helen La Lime, si le nombre confirmé d’infections et de décès est faible par rapport à celui de certains autres pays d’Amérique, « mais la pandémie n’en met pas moins à rude épreuve le système de santé déjà fragile du pays et son maigre filet de sécurité sociale ».

« … les autorités ont encore grand peine à ouvrir des centres médicaux dédiés au traitement des patients atteints de Covid-19. Pays de plus de 11 millions d’habitants, Haïti n’a actuellement la capacité de traiter que quelques centaines de patients à la fois, même si de nouveaux lits se libèrent chaque jour. Cette situation est en partie due à une coordination moins qu’optimale au sein de l’appareil d’État, tant au niveau national qu’à celui des collectivités, ainsi qu’à un financement insuffisant du plan national de riposte. C’est aussi le résultat de l’opposition initialement farouche des populations locales à l’ouverture de tels centres à proximité de leurs domiciles, expression du climat de déni, de stigmatisation et de discrimination qui persiste dans le pays », a fait savoir au Conseil de sécurité la cheffe du BINUH.

Selon le dernier bilan du ministère de la Santé publique en date du 18 juin, le pays compte officiellement 84 décès et 4 916 personnes infectées par le virus.

Source/Le nouvelliste
Photo/archives
www.anmwe.com

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