CARACAS, Venezuela – Journée de travail et cours suspendus, vols annulés, hôpitaux au ralenti, pillages : le Venezuela est plongé vendredi dans le chaos par une panne géante de courant qui met le gouvernement de Nicolás Maduro sous pression, le camp du pouvoir dénonçant un acte de « sabotage ».
La journée de travail et les cours ont été suspendus « afin de faciliter la remise en service de [la distribution de] l’électricité dans le pays, victime de la guerre impérialiste sur l’électricité », a écrit sur Twitter la vice-présidente vénézuélienne, Delcy Rodriguez. Frontières fermées, rues désertes, coupures d’eau : depuis jeudi 16 h 50, heure locale, soit 24 heures, le Venezuela est en grande partie paralysé, a constaté l’AFP.
Selon la presse locale, 22 des 23 États du pays ainsi que la capitale sont affectés. Le courant est revenu partiellement vendredi après-midi dans certains quartiers de Caracas.
Margarita Jardin a le regard rougi par les larmes versées en découvrant son petit magasin d’impression sens dessus dessous à Bello Campo, dans l’est de Caracas.
« J’ai dit à mon mari que j’avais décidé de partir, j’y pensais depuis des années », confie-t-elle à l’AFP, alors que la panne a permis jeudi soir aux voleurs de piller tranquillement son commerce, faute de caméras allumées. Cette quadragénaire ne veut plus « vivre dans ce chaos ».
L’économie du Venezuela, déjà très fragile, est également touchée : les habitants ne peuvent pas retirer d’argent aux distributeurs et les banques sont restées fermées vendredi. Dans ce pays où l’inflation est hors de contrôle, les transactions électroniques -suspendues vendredi- sont indispensables, y compris pour les achats courants comme le pain.
Morgue paralysée
« Nous sommes venus pour répondre présents, mais sans courant, impossible d’ouvrir la banque, c’est un important manque à gagner pour le commerce. On ne peut pas acheter le peu de choses encore disponibles », témoigne auprès de l’AFP Judi Bello, 42 ans, employée dans une banque d’État.
Les lignes téléphoniques et Internet ont été brusquement interrompus, ainsi que la distribution de l’eau dans les immeubles, assurée par des pompes électriques.
Les coupures de courant sont habituelles au Venezuela, voire chroniques dans l’ouest du pays. Mais elles sont plus rares à Caracas, surtout de cette ampleur.
Devant l’hôpital Juan Manuel de los Rios, José Lugo vient de perdre sa nièce à cause de la panne, assure-t-il.
« Son fiancé et des amis ont dû la descendre sur la civière par les escaliers. Évidemment, les ascenseurs ne marchaient pas. On l’a placée au rez-de-chaussée [où il y avait du courant grâce aux générateurs] et rebranchée, mais entre le transfert et le temps d’attente […] elle est morte », explique-t-il à l’AFP.
À l’extérieur de la principale morgue de la capitale, également paralysée par le manque de courant, des familles attendent qu’on leur remette la dépouille de leur proche.
« C’est le deuxième jour que j’attends ici », raconte à l’AFP Luis Moises Guerra, 64 ans, dont le fils, Johan Miguel, a été tué par balles il y a trois jours. « Si on ne me le remet par aujourd’hui, je le laisse là et je ne reviens plus. Il pourrira de la même façon qu’au cimetière ».
Manifestation samedi
Pendant la panne, l’horizon s’est également assombri pour le gouvernement de Nicolás Maduro.
D’une part, le Venezuela devra rembourser quelque 8,7 milliards de dollars au géant pétrolier américain ConocoPhillips en guise de compensation pour son expropriation en juin 2007, a jugé vendredi un panel d’arbitrage de la Banque mondiale.
D’autre part, le ministre vénézuélien de l’Industrie, Tareck El Aissami, a été inculpé peu avant à New York pour avoir contourné des sanctions du Trésor américain liées au trafic de drogue, a indiqué le procureur fédéral de Manhattan.
De son côté, Juan Guaido, l’opposant autoproclamé président par intérim et reconnu par une cinquantaine de pays, a attribué la panne à l’incurie du gouvernement en place et a de nouveau appelé les Vénézuéliens à défiler samedi.
« Nous devons mettre fin à l’usurpation, c’est pourquoi nous appelons demain à descendre dans la rue », a affirmé le président de l’Assemblée nationale vendredi dans une vidéo sur Twitter, pendant une tournée dans les rues de Caracas.
Si l’origine de la panne n’est pas encore connue, les experts accusent le gouvernement socialiste de ne pas avoir investi pour entretenir les infrastructures alors que la crise économique fait rage.
De son côté, la compagnie vénézuélienne d’électricité Corpoelec a dénoncé, sans plus de précision, un « sabotage » de la centrale hydroélectrique vénézuélienne de Guri, l’une des principales d’Amérique latine.
Au-delà du Venezuela, cette coupure de courant gigantesque affecte aussi l’État frontalier brésilien de Roraima (nord) et ses plus de 500 000 habitants, également alimentés par la centrale vénézuélienne.
Source/Le Devoir
Photo/Archives
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