Education

Monde: Ces jumelles redéfinissent la notion même de race

Quand Amanda Wanklin et Michael Biggs sont tombés amoureux, ils ne se sont pas préoccupés des épreuves auxquelles un couple mixte pouvait être confronté, explique Amanda. « Le plus important, c’était que nous voulions ensemble. »

Ils se sont installés à Birmingham, en Angleterre, désireux de fonder une famille. Le 3 juillet 2006, Amanda a donné naissance à des jumelles et les parents extatiques ont donné à leurs filles des prénoms très proches : l’une s’appelle Millie Marcia Madge Biggs, l’autre Marcia Millie Madge Biggs.

Dès leur plus jeune âge, les petites filles avaient des caractéristiques similaires mais une couleur de peau différente. Marcia avait les cheveux brun clair et la peau claire comme sa mère d’origine anglaise. Millie avait les cheveux noirs et la peau brune de son père, d’origine jamaïcaine. « Nous ne nous sommes jamais inquiétés à ce sujet. Nous l’avons tout de suite accepté », raconte Michael.

« Quand elles sont nées », se souvient Amanda, « je les promenais dans leur landau, les gens me regardaient, puis regardaient ma fille et ensuite, regardaient mon autre fille. Et puis on me posait la question: “Ce sont des jumelles ?”

– Oui.
– Mais une est blanche et l’autre noire.
– Oui. C’est génétique. »

Les personnes qui ont observé les filles avec étonnement n’étaient pas ouvertement hostiles ou critiques, mais très curieuses, raconte Amanda. Et puis, « au fil du temps, les gens ont juste observé leur beauté. »

Amanda, qui travaille comme aide-soignante à domicile, appelle Millie et Marcia son miracle, « un sur un million ». Mais il n’est pas rare qu’un couple mixte ait des vrais jumeaux qui ressemblent davantage à un parent qu’à l’autre, explique la généticienne Alicia Martin, chercheuse postdoctorante au Broad Institute de Broad, à Cambridge.

Les faux jumeaux représentent environ une naissance sur cent. Quand un couple mixte a des faux jumeaux, les traits qui émergent chez chaque enfant dépendent de nombreuses variables, notamment « l’origine des ancêtres des parents et la génétique complexe des pigments », déclare Alicia Martin.

En termes génétiques, la couleur de la peau « n’est pas un trait binaire » avec seulement deux possibilités, fait remarquer Alicia Martin. « C’est un trait quantitatif, et tout le monde a un gradient sur ce spectre. »

Historiquement, lorsque les Hommes ont souhaité se distinguer les uns des autres, ils se sont souvent fiés à la couleur de la peau pour déterminer leur différence. Mais la compréhension de la génétique au XXIe siècle indique que l’idée même de race est une invention humaine.

La science moderne confirme « que les différences visibles entre les peuples sont des accidents de l’histoire » – résultat de mutations, migrations, sélection naturelle, isolement de certaines populations et métissage entre autres, écrit la journaliste scientifique Elizabeth Kolbert. Ce n’est pas une différence raciale, car le concept même de race – pour citer le pionnier du séquençage ADN Craig Venter – « n’a aucune base génétique ni scientifique ».

Pourtant l’identité raciale est toujours utilisée comme une ligne de division fondamentale.

Même quand leur mère Amanda les habillait de la même manière, elle ne pouvait pas les confondre.

ILS PENSENT QUE NOUS SOMMES AMIES

Les jumelles, pour leur part, comprennent très bien ce qu’est le racisme. « Le racisme est quand on vous juge par votre couleur et non pour vous-même », dit Millie. Marcia, elle, décrit le racisme comme « une chose négative, car il peut blesser les sentiments des gens ».

Michael, leur père, affirme connaître l’hostilité liée à sa couleur de peau. Il se souvient très bien d’un épisode de sa jeunesse où une voiture remplie d’hommes a filé, hurlant des insultes à destination de ses frère et lui.

« C’est une autre époque aujourd’hui », déclare Michael. Ni lui ni Amanda n’ont jamais été témoins de comportements racistes à l’égard de leurs filles. Et Millie et Marcia disent qu’elles n’ont jamais ressenti de tensions racistes quand les gens comprennent qu’elles sont soeurs.

« Quand les gens nous voient, ils pensent que nous ne sommes que des amies », déclare Marcia. « Quand ils apprennent que nous sommes jumelles, ils sont un peu choqués parce que l’une est noire et l’autre blanche. »

Mais lorsque les jumelles sont interrogées sur leurs différences, elles mentionnent tout autre chose. « Millie aime les choses de filles. Elle aime le rose et tout ça », dit Marcia. « Je n’aime pas la couleur rose. Je suis un garçon manqué. Les gens sont comme ils sont. »

Cet article fait partie du numéro d’avril 2018 du magazine National Geographic consacré à la notion de race, dans lequel nous explorons comment notre couleur de peau nous définit, nous sépare ou nous unit.

CLIQUEZ ICI POUR EN SAVOIR PLUS

Source/National Geographic
Photo/National Geographic
www.anmwe.com

To Top