PORT-AU-PRINCE – Le Dr Réginald Boulos, homme d’affaires passé à la politique, a appelé le secteur privé haïtien des affaires à faire preuve de solidarité, à un « minimum », à l’égard des populations de Martissant, de Fontamara et des autres quartiers de la 3e circonscription de Port-au-Prince contraintes de fuir la violence provoquée par les accrochages entre gangs armés. « Nul ne peut rester indifférent face à une telle détresse ! Tout silence ne peut être que complice ! Tout silence est suicidaire. Car, ce serait de la folie de penser que, dans nos conforts, dans nos demeures et dans nos zones prétendument sécurisées, nous sommes à l’abri », a écrit Dr Boulos dans cette lettre que publie le journal Le Nouvelliste.
Port au Prince, le 5 juin 2021
Chers amis et collègues du secteur privé des Affaires,
Les nouvelles de ces derniers jours sont terribles ! La situation s’est encore détériorée à Martissant. Les affrontements se multiplient, les morts et les blessés ne se comptent plus, des maisons et entreprises sont incendiées…
La population aux abois, livrée totalement à elle-même et aux gangs, se retrouve sans abri, sans nourriture, sans espoir. Des dizaines de milliers de personnes ont été obligées de fuir la violence des affrontements entre gangs alors que la Police Nationale d’Haïti, impuissante à accomplir sa mission qui est de protéger et de servir, a tout simplement abandonné la population à son sort.
Nul ne peut rester indifférent face à une telle détresse ! Tout silence ne peut être que complice ! Tout silence est suicidaire. Car, ce serait de la folie de penser que, dans nos conforts, dans nos demeures et dans nos zones prétendument sécurisées, nous sommes à l’abri.
Pourtant cela fait des mois, des années que cela dure. Il y a aussi et encore La Saline, Bel Air, Cité Soleil… Où cela s’arrêtera-t-il ? Ces innombrables victimes civiles, ce ne sont pas des anonymes. Ce sont nos employés, nos clients, nos parents et amis. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés. Ces bandes armées, entretenues par les forces politiques et (il faut le dire) par toutes sortes d’intérêts mafieux, il serait illusoire de croire qu’elles limiteront leurs actions aux quartiers dits populaires. Elles ont aujourd’hui la capacité de paralyser des départements entiers. Si rien n’est fait, bientôt elles se pavaneront dans les rues des beaux quartiers.
J’en appelle à votre solidarité. Nous avons des milliers de déplacés, des hommes, femmes et enfants, jetés dans les rues, les mains vides, attendant un geste de nous, nous qui avons certainement le pouvoir, si nous nous mettons ensemble. Il faut, devant l’absence de l’État, une réponse concertée, urgente et non démagogique, en dehors de tout intérêt politique. Ce sont nos frères et nos sœurs, ceux qui contribuent chaque jour à nos succès. Nous leur devons ce minimum !
Nous ne devons plus rester passifs devant ces abus, ces démissions, ces compromissions affectant notre sécurité nationale. Nous devons au plus vite entreprendre une grande action humanitaire pour toutes les zones atteintes par cette violence aveugle tolérée et peut-être même encouragée par le pouvoir.
Je sollicite de vous le sursaut nécessaire pour que nous puissions sortir de cet état comateux et suicidaire. Nous devons réagir pour qu’en commun nous travaillions à la remise sur pied de l’État de droit. Nous devons d’urgence venir en aide à cette population qui a trop de fois subi le joug des hors la loi sous le regard quasiment complice de l’État et des forces dites de sécurité.
Nous devons aussi en appeler à la responsabilité immédiate de ceux qui
prétendent nous diriger et qui sont en ce moment aux abonnés absents. Leur silence est inacceptable, leur inaction est complice et leur indifférence coupable. Les solutions individuelles de sécurité ne sont qu’un palliatif. Il faut des réponses institutionnelles solides, réfléchies, vigoureuses. Il faut aussi des dirigeants à la hauteur de ces défis.
Tout en vous invitant à la réflexion pour une recherche de solutions définitives et non cosmétiques, je veux espérer que mon appel sera bien accueilli et recevra les réponses urgentes que nécessitent les tragédies du moment.
Soyons à la hauteur du défi du moment. Humblement, je vous le demande.
Cordialement,
Dr. Pierre Reginald Boulos
c.c. Chambre de Commerce et d’Industrie d’Haïti
Association des Industries d’Haïti
Chambre Franco-Haïtienne
Association Touristique d’Haïti
Association Professionnelle des Banques
Chambre de Commerce et d’Industrie Haïtiano-Canadienne
Chambre Américaine de Commerce en Haïti
Source/Le Nouvelliste
Photo/Archives
www.anmwe.com