PÉTION-VILLE – L’insécurité n’a pas de limite. Comme dans les tréfonds de Cité Soleil, les routes sinueuses du labyrinthe qui se dessine sur le flanc du morne L’Hôpital abritent de nombreux bandits qui tuent, volent et exproprient les gens. Après l’assassinat du policier Rigaud Claude Clermont, 24 ans, une fraction de la population de Monoville, Jericho, Morne Ménard s’est soulevée pour aller exiger que les forces de l’ordre leur livrent le présumé assassin et bandit de renom dans la zone : « Lèlè ». Un nom qui fait peur. Que certains ne veulent même pas citer par crainte d’être tué par son commando de la mort.
« Pa monte non ! bandi yo ka pete bal sou nou wi. » Petit briefing d’un motard pour nous décrire la cruauté dont font montre les bandits qui terrorisent la population de Monoville, Jericho, Morne Ménard et d’autres quartiers qui jonchent le pied du morne L’Hôpital. Acceptant de nous y emmener avec le mot prudence sur ses lèvres, il ne veut pas traverser la limite. Visiblement, il n’y a pas d’enseigne qui dicte une délimitation à Monoville, mais les « bandits lourdement armés » qui opèrent dans ce quartier ont leur camp de base là-haut. À cinq minutes de la route du Canapé-Vert, accessible en voiture et à motocyclette. Aujourd’hui, occupé par les agents de la Brigade d’intervention et d’opération départementale (BOID), l’espace ne sera pas abandonné par les bandits aussi vite et sans représailles après ce soulèvement de la population.
Toute cette zone est un terrain miné, contrôlé par ces bandits. Entre ces maisons mal garnies, non achevées qui serpentent la montagne dénudée, des malfrats bien connus de la population font la loi. Leur loi. Extorquer, menacer et tuer des personnes qui osent leur tenir tête dans ces quartiers populeux. Moins de 24 heures après ce coup de force tenté par des jeunes hommes pour récupérer « Lèlè » – de son vrai nom Jean Hilaire Laventure -, au commissariat de Pétion-ville, le calme semble être revenu dans la zone. « Il n’y était pas. Ce n’est pas lui que la PNH a arrêté. On monte la garde chaque jour pour en finir avec eux », a dit Gilles, l’un des chefs de file de la brigade qui fait la chasse aux bandits, d’un ton placide. Personne ne veut en parler. Du moins à haute voix. Leurs chuchotements sont à peine perceptibles. Quelques femmes surtout, très entreprenantes, se sont exprimées à la fois pour faire part de leur satisfaction du fait que les jeunes hommes de la zone veulent en finir avec ces bandits. Mais aussi de la peur qui les habite, sachant que « Lèlè » et sa bande qui agissaient en prédateurs déchainés dans la zone sont toujours en liberté. La crainte de représailles est là. La population est sur le qui-vive. La peur d’une attaque comme celle du 15 août dernier est palpable. Jour funeste pour les riverains.
Edna surfe entre soulagement et épouvante. La frayeur qu’elle a ressentie le 15 août, quand « Frédo », autre membre du gang de « Lèlè », était venu exécuter son mari vers 7h du soir, n’est en rien différente de celle d’hier soir quand elle a entendu des rafales d’armes automatiques dans la zone. Des souvenirs trop douloureux qu’elle raconte avec une pointe de tristesse dans la voix, car, jusqu’ici, son mari qui a échappé de justesse à la fusillade que « Frédo » a orchestrée, dit-elle, ne peut pas revenir chez lui. « La menace qu’il avait sur sa tête restera pendante tant que Frédo sera en liberté », avance-t-elle. Et comme des chasseurs de primes, « les membres du gang sont prêts à passer à l’action pour apporter sa tête sur un plateau au commandant Frédo ».
En nous montrant les impacts de balles sur le mur avant de sa maison, au moins quatre, Edna explique comment elle et ses deux enfants de moins de 18 ans se sont enfuis dans le voisinage au moment où « Lèlè, Frédo » et leur bande venaient mater la rébellion. « Ils étaient mécontents du fait que mon mari et d’autres s’étaient armés de machette et étaient partis à leur poursuite. Ces hommes nous empêchent de vivre en paix. C’est comme s’ils avaient ruiné ma vie. Mon mari ne peut plus revenir dans notre maison. Celle qu’il a construite en travaillant dur. Même ma boutique est fermée. Une boutique où Frédo pouvait venir prendre ce qu’il voulait », déplore Edna. Ajoutant qu’elle a dû faire revenir ses enfants parce que leur école se trouve à Pétion-Ville. Autre victime ce jour-là, l’unique fils de Mme Jules, une quinquagénaire, a été touché au cou par un projectile et transporté d’urgence à l’hôpital. Il se rétablit avec le projectile encore logé dans son cou.
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Source/Le Nouvelliste
Photo/Archives
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