PORT-AU-PRINCE – «The Educational Commission for Foreign Medical Graduates (ECFMG)», qui est l’instance chargée du contrôle et de la régulation des facultés de médecine étrangères, a donné son verdict cette année : à partir de 2023, si rien n’est fait, aucun diplômé d’une faculté de médecine en Haïti ne sera habilité à pratiquer la médecine à l’étranger, notamment aux États-Unis et au Canada. Contrainte à l’exploit, la Faculté de médecine et de pharmacie (FMP) de l’Université d’État d’Haïti (UEH) a débuté, en février 2018, avec la révision de son cursus. En dehors de l’UEH, c’est la médecine haïtienne qui semble mobilisée autour de cette question.
La médecine en Haïti marche sur l’eau. Au cours de ces dix dernières années, il y a eu un pullulement anarchique des facultés de médecine dans le pays. Beaucoup de facteurs cruciaux comme la recherche, le stage hospitalier, les nouveaux cours, la pédagogie médicale n’ont pas été pris en compte lors de la création de ces facultés. De cet état des lieux résulte une décantation des facultés de médecine du pays en faculté de médecine reconnue et faculté de médecine non reconnue par le ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP). Les deux catégories forment des médecins qui, boostés par les lacunes du système, vont desservir la population loin de toute remise en question.
Sous les loupes de la communauté internationale depuis des années, la date butoir de l’ECFMG est connue. D’ici 2023, les facultés de médecine en Haïti doivent être au diapason avec les normes de la Fédération mondiale d’éducation médicale. Si certaines facultés de médecine qui fonctionnent dans l’illégalité n’accordent pas une grande importance à cette nouvelle, d’autres, au contraire, vont devoir tout mettre en œuvre en vue de répondre aux nouvelles exigences. En ce sens, la Faculté de médecine et de pharmacie de l’UEH, dans un partenariat avec l’Agence universitaire de la francophonie, l’Université de Montréal et l’Université Laval ont lancé un projet de deux ans visant à reformer le cursus de formation des futurs médecins haïtiens.
Vers une approche par compétence
Le Dr Ahmed Maherzi, ancien doyen de l’Université de Tunis, délégué par l’Université de Montréal, a dressé le tableau de la situation. « D’abord, il faut dire que le Canada était le seul pays francophone avec une formation médicale standard au moment où l’ECFMG lançait cet ultimatum. L’accréditation est obligatoire pour trouver des financements et des partenaires internationaux, sans l’accréditation une faculté de médecine n’est pas crédible. Au niveau de la francophonie, il y a la Conférence internationale des doyens des facultés de médecine d’expression française (CIDMEF) qui assure la liaison entre le comité d’accréditation et les facultés de médecine d’expression française. Le premier travail consiste à faire une autoévaluation qui nous indiquera là où nous sommes et comment arriver à l’objectif final qui est la standardisation », a longuement élaboré le Dr Ahmed Maherzi, l’un des principaux scientifiques à travailler sur le projet.
Continuant sur la même lancée, l’ancien doyen de l’Université de Tunis, qui a dirigé le projet de standardisation de cette université pendant six ans, pense que parmi les nombreux points sur lesquels ils vont devoir travailler, l’un des plus importants sera de favoriser une approche de formation par compétence. « L’approche par compétence consistera à mettre tout le monde dans les conditions optimales en vue de tirer le meilleur de chacun. C’est aussi subdiviser le milieu universitaire en plusieurs parties pour mieux répondre aux aspirations de chaque entité, là-dessus nous comptons beaucoup sur les étudiants. »
Un premier pas dans la bonne direction
Les observateurs nationaux et internationaux ont vu d’un œil favorable la décision prise par la Faculté de médecine et de pharmacie de l’UEH de commencer le processus d’accréditation en débutant par la révision et d’améliorer son cursus, selon les normes de la Fédération mondiale d’éducation médicale.
« Le XXIe siècle est bien installé à la Faculté de médecine et de pharmacie, école de biologie médicale », a titré Don Gilberto sur son agence de presse en ligne. Il a tenu à rendre un hommage aux parties prenantes de ce grand et vaste projet, dit-il, historique, capable d’améliorer la qualité de la formation médicale en Haiti.
Sur le site de l’AUF, les grands axes du projet ont été présentés sur fond d’optimisme. « Le projet de deux ans propose trois axes d’intervention avec la FMP afin d’accroître la santé de la population haïtienne : amélioration de la qualité de la formation médicale à la FMP ; leadership et gouvernance renforcés au niveau de la FMP afin de réviser le curriculum de formation médicale ; engagement social explicite du décanat de la FMP sur des balises en responsabilité sociale. »
Pour sa part, le Dr Guirlène Raymond Charite, coordonnatrice du projet, a parlé d’un pas dans la bonne direction. Elle a invité tous les acteurs à garder le même état d’esprit pour les étapes à venir. « Constatant l’implication des étudiants dans la première étape, je peux dire que la médecine haïtienne connaîtra des jours meilleurs », a commenté le Dr Guirlène Raymond Charite, ancienne directrice du MSPP.
Tenue le vendredi 23 février 2018, en présence du doyen de l’Université Notre-Dame d’Haïti, le Dr Roger Vilfort, et du directeur du MSPP, le Dr Laure Adrien, la cérémonie de lancement de la révision du cursus de la Faculté de médecine et de pharmacie de l’UEH a été un succès. Le vice-doyen aux Affaires académiques de ladite faculté, le Dr Jude Milcé, a promis de son côté d’être prêt d’ici 2023.
Une conférence des doyens en vue d’étendre le projet
En marge des travaux de lancement de la standardisation de la Faculté de médecine et de pharmacie de l’UEH, les doyens des facultés de médecine reconnues en Haïti se sont réunis de toute urgence dans le but de profiter de l’expertise de l’AUF, l’Université de Montréal et de l’Université Laval.
« Cette conférence mensuelle dans laquelle toutes les facultés se mettent en symbiose sur les sujets transversaux de la médecine haïtienne visait à sensibiliser les doyens. Au final, avant même de parler, ils ont compris que c’est plus qu’une nécessité de repenser la médecine haïtienne suivant les normes internationales », a expliqué le doyen Jean-Claude Cadet qui a mis le paquet autour de ce projet.
Confiant que toutes les facultés de médecine qui se respectent vont faire la même chose, il a promis un nouvel âge d’or à la médecine haïtienne. « Nous allons faire de vous les grands médecins de demain », a-t-il lâché à l’endroit des étudiants.
En dehors des pressions exercées par la communauté internationale, n’est-il pas temps de remettre en question l’enseignement de la médecine en Haïti ? Quelles sont les conditions à remplir pour créer une faculté de médecine ? Ces conditions sont-elles respectées ?
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Source/Le Nouvelliste
Photo/Archives
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